En attendant de trouver et construire un habitat plus proche de la nature, je retape avec mon compagnon et les propriétaires une vieille maison de bourg.
Nous avons choisi d’isoler les combles pour en faire une grande pièce à vivre (mon appartement + mon atelier).
Vu nos envies, le temps que nous avions à y consacrer, notre budget et les matériaux à notre disposition ou que nous pouvions facilement trouver, nous avons opté pour :
- isolation du plafond avec de l’isolant récupéré à droite à gauche (laine de verre, laine de roche, laine de bois, laine de mouton) sur environ 40 cm, habillé de plaques OSB de 9 mm.
- isolation des murs en terre/paille, sur une surface totale d’environ 80 m2 (avec près de 4 m de plafond au plus haut, une fois le plafond posé).
C’est sur l’isolation des murs que je vais vous partager mon retour d’expérience.
Nous avons choisi de faire :
- une structure en bois pour avoir les murs les plus droits possibles
- derrière lesquels nous avons tassés de la paille sèche, tenue par des liteaux en bois
- sur lesquels nous avons posé un enduit terre/paille/sable
Je vais vous décrire chaque étape, avec, à chaque fois, ce qui était de bonnes idées et ce qui aurait pu être amélioré !
Pour information, nous étions entre 1 et 4 personnes à travailler sur les différentes étapes, dont 2 sont artisans de métier, mais aucun n’est spécialiste de la terre 😉
1. Structure en bois
Ça, c’était une bonne idée !
Les murs n’étaient pas droits du tout, ni sur la hauteur, ni sur la longueur. En plus, la hauteur sous plafond était différente aux 4 « coins » de la pièce. Je mets des guillemets car un des « coins » est arrondi.
Nous nous sommes servis d’un niveau laser pour créer les lignes droites sur lesquelles caler la structure, en jouant parfois pour faire des petits décrochés lorsque l’on perdait trop de surface. Nous avons utilisé des demi-chevrons que nous avons placé de façon à avoir au minimum 8 cm disponibles pour mettre l’isolant. Cela fait peu, mais ce n’est qu’à quelques endroits en bas des murs que nous avons effectivement cette épaisseur. La plupart du temps, elle était bien plus importante (jusqu’à 60 cm au point le plus haut… quand je vous disais que ce n’était pas droit !).
Pour cela, nous avons utilisé des demi-chevrons en pin (du Douglas, il y en a hélas plein autour de chez nous…), espacé de 70 cm les uns des autres. Le seul endroit où ils sont plus proches, c’est dans l’arrondi, pour pouvoir créer un arrondi doux et non anguleux. Pour les endroits où les demi-chevrons se trouvaient loin du mur, nous avons mis des cales à des endroits spécifiques (notamment à hauteur d’épaule).
Temps
prévu : 2 jours à 4 personnes
réellement passé : 2 jours, où nous travaillions à 2, 3 ou 4, selon les moments
Matériel utilisé
- demi-chevrons en pin douglas
- niveau laser
- scie sauteuse
- scie circulaire
- visseuse et vis (pour fixer les demi-chevrons verticaux sur celui horizontal du haut)
- cloueuse et clous de 50 mm (pour les cales en bas des demi-chevrons)
Les bonnes idées à garder
Tout ! 😉
Les choses pouvant être améliorées
À l’heure actuelle, je n’ai rien vu dans ce sens sur cette étape… Mais pour les suivantes, si !
2. Isolation paille
Puis, nous avons tassé de la paille entre et derrière les demi-chevrons, que nous avons fait tenir en clouant des liteaux devant, horizontalement.
Nous avons laissé environ 6 cm entre chaque liteau.
Temps
prévu : 3 jours à 3
réellement passé : 2 jours à 1, 2 ou 3
Matériel utilisé
- paille
- scie sauteuse
- scie circulaire
- cloueuse et clous de 50 mm
- liteaux de 40 x 20 mm
Les bonnes idées à garder
Un gabarit pour placer plusieurs liteaux en une fois
Nous avions créé des gabarits pour pouvoir placer jusqu’à 7 liteaux, bien espacés de 6 cm, d’un seul mouvement. Il suffisait de les placer sur le gabarit, de le caler avec le liteau précédent, puis de les clouer.
Bien sûr, cela ne pouvait être fait partout (je vous ai dit que la pièce était toute de travers ? Ah oui, je vous l’ai dit ! ;)), mais c’était bien pratique.
Les choses pouvant être améliorées
Ne pas oublier les cables, si on veut les cacher
Penser à passer TOUS les cables dans les murs AVANT de mettre la paille. Nous avions oublié les cables éthernet et téléphone… Bon, ça se fait mais c’est plus pratique avant !
Pourquoi ces deux cables ? Pour avoir le net et le téléphone à cet étage, sans émettre de grosses ondes WIFI, CPL ni DETC 😉
Même remarque pour les prises et interrupteurs, à ne pas oublier (mais ça, on y avait pensé !).
Tasser la paille
Bien bien tasser la paille. Plus que ce que l’on a fait : même si nous avions mal aux bras et aux épaules tellement nous appuyions, ce n’était pas assez. Nous nous en sommes rendus compte lors de la première passe d’enduit.
Écartement des liteaux
6 cm entre chaque liteau, ça va… Plus, non ! En tout cas, dans notre cas, avec une paille trop peu tassée…
Un liteau tout en haut et un tout en bas
Penser à mettre un liteau près du plafond et un autre près du sol pour qu’ils tiennent la paille et permettent un meilleure accroche de l’enduit, même si l’écartement entre les liteaux est du coup plus réduit à cet endroit.
Se protéger les mains
Car la paille, ça irrite bien la peau ! Au tout début ça va, mais au bout d’une journée à ne faire que cela, j’avais les mains comme du papier ponce, les mini-échardes de paille en prime…
3. Enduit terre
C’est là que les choses sérieuses commencent !
On pourrait croire que ce n’est qu’une formalité après toute la préparation précédente, et c’est ce que nous pensions ! Mais que nenni !
On en a un peu bavé, mais c’est surtout (et uniquement ?) car nous n’avions pas prévu assez de matière, et/ou parce que nous n’avions pas assez tassé la paille, et/ou parce qu’il y avait des endroits où cela faisait bien plus de 6 cm entre 2 liteaux.
Dans notre grand optimisme, nous voulions ne faire qu’une passe d’enduit de 3-4 mm environ d’épaisseur. Et, en deux journées à six personnes d’enduit + une de préparation de la pièce et récupération des matériaux, c’était plié.
Mouais…
Au final, nous avons fait 2 passes, espacées de 10 jours avec la pièce chauffée au poêle à bois et extracteur d’humidité.
Je vous donne les détails dans chaque étape, avec pour chacune les temps, matériaux, bonnes idées et celles à améliorer.
Étape n°1 : on protège
Cette première étape que d’aucuns voulaient squeezer s’est avérée une excellente idée par la suite.
Concrètement, rien de bien sorcier : on bâche et on met du scotch repositionnable sur tout ce qu’on ne veut pas plein de gadoue ! Donc, dans notre cas, le sol de la pièce entière et de l’escalier, ainsi que le tour de la porte. Les fenêtres n’étant pas encore mises, pas besoin de protéger ces coins là 😉
Temps passé :
1 journée à 2
Matériaux utilisés :
bâche, agrapheuse + agraphes, scotch repositionnable
Bonnes idées
Le faire !
À améliorer
Mieux faire tenir les bâches…
Et protéger le plafond en OSB, ça aurait aussi été une bonne idée…
Étape n°2 : on badigeonne
Notre génial Baptiste intergalactique (qui nous a donné de supers conseils sur l’enduit même si on ne les a pas toujours suivis, prêté du matériel, rassuré quand on pensait avoir trop merdé… Merci à lui !!!) nous a conseillé de faire un badigeon sur notre structure et isolation avant d’appliquer l’enduit, pour une meilleure tenue.
Temps passé :
1,5 jours à 1
Matériaux utilisés :
– Terre argileuse + eau soigneusement mélangé
Texture : « gant de music-hall ». Il est lisse, très fin, forme une seconde peau, et on ne voit plus les poils !
– Grosse brosse (type brosse de maçon ou de balayette)
Geste : splaché avec légèreté (difficile de ne pas s’en mettre partout), ou peint. Les coulures et surépaisseurs sont les bienvenues.
– Seau
Bonnes idées
Le faire !
Et d’avoir protégé le sol…
À améliorer
Rien…
Étape n°3 : on enduit ! Première passe
Enfin, le grand moment tant attendu est arrivé !
Et, en parallèle, on fabrique le mélange bien sûr.
Nous nous sommes rapidement aperçus que nous allions devoir faire 2 passes : la première rentrait trop dans la paille, entre les liteaux… Mais nous pensions que nous n’aurions pas à attendre qu’elle sèche pour faire la 2e passe dans la foulée. Du coup, nous avons préparé une grande poubelle et une grande auge avec le mélange de la 2e passe, que nous avons laissé dans la pièce, protégé par une bâche.
Temps passé :
1,5 jours à 5
Matériaux utilisés :
- terre argileuse
- sable de rivière
- paille (bio!) en petits morceaux
- tondeuse pour tondre la paille en petit morceaux (en passant trois fois dessus)
- eau
- malaxeur
- seaux, auges, poubelles
- taloches, couteaux à enduire
- lisseuse
Nous avons fait la première passe avec un mélange terre/sable/paille dans les mêmes proportions.
- Texture : « fumier »
- Geste : splatcher avec conviction en utilisant, selon les styles : la main, gantée ou non, la taloche ou le couteau à enduire (pour son côté plus souple). Puis, lisser avec une grande lisseuse.
Pour cette passe, nous avons raclé la matière pour que l’on puisse voir les liteaux. L’enduit formait donc une base d’accroche plus linéaire que la paille, entre les liteaux.
Bonnes idées
Splacher !
Je ne sais pas si c’est une « bonne idée », mais c’était drôle !
Le malaxeur planétaire
Super outil pour faire les mélanges
À améliorer
Mieux anticiper
Nous avons été un peu déçus à cette étape car nous pensions ne pas voir à faire de seconde passe.
Faire décanter la terre argileuse
La terre que nous avons récupérée était en grosse motte. Dans notre mélange, nous avons retrouvé des boules de glaises et des gros cailloux qui gênaient l’enduit.
Étape n°4 : on enduit ! Deuxième passe
4 jours après la première passe, nous commencions la seconde passe, mais… C’était bien trop tôt.
Nous étions en novembre, en moyenne montagne, il faisait froid et humide, et rien n’était assez sec. La seconde passe que nous avions fait dans notre zone de test après 4 jours de séchage avait fissuré quand la terre s’était rétractée, la paille s’échappant des murs était moisie, et de petites plantes avaient commencé à germer dans le mur !
Heureusement, rien de grave nous ont dit nos spécialistes locaux des enduits terre. Il faut juste faire attention que la paille ne composte pas : il y a eu des cas de feu dans des granges à cause de cela. Arrgh !! Mais pas de panique, il suffit d’aider au séchage en enlevant le plus d’humidité possible et de vérifier en passant son doigt dans l’enduit qu’à l’intérieur ce n’est pas chaud.
Sur leurs conseils, nous avons donc ajouté un poêle à bois à l’intérieur de la pièce (avec évacuation par une petite fenêtre : ça a des avantages de travailler juste sous le toit !), au petit extracteur d’humidité que nous y avions déjà mis.
Nous avons attendu 4,5 jours supplémentaires. Nous aurions pu attendre plus, mais nous étions tenus par le temps.
À ce moment, la première passe était bien plus sèche, même si elle ne l’était pas partout et juste en surface. Mais c’était assez pour que la 2e passe tienne. Prêts à attaquer le mur, nous avons ouvert les auges où nous attendait le mélange et là, une odeur d’égout/de poney/de marécage nous a pris au nez : le mélange avait fermenté… Ce qui est une excellente chose, car il tiendra mieux ! L’odeur passera une fois que ce sera sec, nous a assuré notre ange gardien de l’enduit terre. C’est même une technique japonaise : la classe, non ?
Temps passé :
2 jours d’enduit à 1 ou 2
Matériaux utilisés :
- terre argileuse
- sable de rivière
- paille (bio!) en petits morceaux
- tondeuse pour tondre la paille en petit morceaux (en passant trois fois dessus)
- eau
- malaxeur
- seaux, auges, poubelles
- taloches, couteaux à enduire
- lisseuse
Nous avons fait la seconde passe avec un mélange terre/sable/paille dans des proportions un peu différentes : 4 de sable, 3 de terre, 2 de paille.
Texture : « bouse de vache fraîche ». En plus, quand il est fermenté il y a même l’odeur !
Geste : directement avec la lisseuse
Bonnes idées
Laisser le mélange fermenter. Comme quoi, c’était une bonne chose de ne pas pouvoir faire la 2e passe plus tôt !
À améliorer
Tamiser le sable
Il y avait des cailloux dans le sable, ce qui a créé des trous lorsque nous lissions… et nécessité une étape supplémentaire pour avoir un rendu correct.
Plus de fibres dans le mélange
Nous ne pouvions le voir à cette étape, mais nous l’avons vu par la suite… Car cela a fissuré partout, avec des fissures allant jusqu’à 5 mm à quelques endroits.
Mettre plus de sable que de terre était une bonne idée, mais notre erreur a été de mettre moins de fibres. Le « bon » mélange aurait été : 4 de sable, 3 de terre, 3 de paille, plus fine que précédemment si possible.
Être plus généreux sur l’épaisseur de l’enduit
Nous avons fait un enduit le plus fin possible, par peur de ne pas avoir assez de matière, et par envie que cela sèche vite.
Si vous le pouvez, prenez vraiment le temps de laisser sécher les différentes passes, et soyez plus généreux que nous sur la matière utilisée ! Cela permettra de réduire les fissures (2e passe fissurant aussi car la terre de la 1re passe continue à se rétracter en séchant).
Étape n°4 : on lisse
Quelques heures après la seconde passe, nous sommes repassés sur les murs avec une éponge (très) humide pour faire tomber les cailloux et boucher les trous qu’ils avaient formés.
Temps passé :
En parallèle de la 2e passe
Matériaux utilisés :
Grande éponge + eau
Étape n°5 : on enlève les bâches
Une fois que les travaux salissant étaient terminés, nous avons enlevé toutes les bâches au sol.
Là, la question de la façon dont les bâches ont été mises m’est revenue. Nous avions hésité entre 2 options pour leur disposition au niveau des murs :
- soit agrapher la bâche sur le futur mur, environ 2 cm au dessus du sol
- soit l’agrapher sur le sol, au plus près du futur mur
Dans les deux cas, une partie de la bâche se retrouvait sous l’enduit. Nous avons opté pour la 2e option.
Lorsque j’ai enlevé la bâche, je l’ai soit retirée délicatement (l’enduit n’accrochant pas dessus), soit découpée quand l’enduit la recouvrait beaucoup ou risquait de se casser. Mais parfois, l’enduit a quand même cassé, et la plupart du temps il y avait un écart de plusieurs millimètres entre le sol et l’enduit. Nous n’avions pas prévu de mettre une surépaisseur sur le sol, au contraire même, nous voulions poncer le parquet pour lui rendre une partie de sa beauté d’antan. Ce que nous avons d’ailleurs fait, et c’est magnifique (poncé grossièrement au 20, puis huilé à l’huile de lin). Nous nous sommes posés la question de mettre une plinthe, mais je trouvais ça dommage (je ne suis pas fan du rendu), et surtout beaucoup de travail : le sol non plus n’est pas droit ! Et notre enduit pas vraiment lisse.
Du coup, j’ai décidé qu’une fois que l’enduit serait sec, je remettrai un peu d’enduit en bas des murs, pour refaire la jonction avec le parquet. Vu l’âge qu’il a, il ne devrait plus se dilater 😉
Étape n°6 : on lisse encore un peu
Une fois que la 2e passe a commencé à bien sécher, nous avons brossé les murs pour enlever la poussière et les petits grains de sable non accrochés.
Après cela, le mur a une texture très agréable au toucher… 😉
Temps passé :
1 heure à 1
Matériaux utilisés :
Balais, aspirateur
Étape n°7 : on a fini ! Ah non, pas encore…
Trois jours après la seconde passe, l’enduit avait fortement fissuré… Pas de la petite fissure superficielle, mais bien de la grosse fissure…
D’un point de vue esthétique, cela ne nous dérangeait pas trop, mais nous ne voulions pas que trop d’humidité arrive jusqu’à l’isolation en paille, ce qui l’aurait fait pourrir. Pour cela, notre ange-gardien de l’enduit nous a conseillé de boucher les fissures de plus de 3 mm d’épaisseur.
Du coup, nous avons décidé de reboucher toutes ces fissures avec le même mélange que précédemment, au doigt. Et j’en ai profité pour faire le raccord avec le sol 😉
Temps passé :
1 journée à 1
Matériaux utilisés :
Mélange utilisé pour la 2e passe (un peu fermenté !), appliqué au doigt
Grosse éponge pour frotter une fois sec (enlever les cailloux non accrochés)
À améliorer
Faire une dernière passe de finition
Pour un bien, il faudrait faire une 3e et dernière passe de finition, éventuellement avec un peu de chaux pour éviter les fissures, et du sable plus fin pour qu’il soit plus facile à appliquer.
Mais nous aimons bien ce rendu un peu brut, avec quelques morceaux de pailles qui s’échappent par endroit, ces petites fissures… C’est vivant 😉
Conclusion
Nous avons eu pas mal de surprises sur ce chantier, mais au final ça s’est plutôt bien passé ! Et nous nous sommes bien amusés. En fait, nous avons voulu aller trop vite. Tenus par des délais, nous n’avons pas pris le temps de bien tasser la paille, ni de laisser la terre sécher entre les différentes passes. La prochaine fois, nous prévoirons de laisser le temps au temps !
En tout cas, le rendu est superbe, selon nos goûts, l’ambiance est douce, chaleureuse, saine, agréable… Il fait bon vivre dans cette pièce. Si c’était à refaire, je le referai sans hésiter !
Et si vous aussi vous faîtes de l’enduit terre, n’hésitez pas à prendre conseils auprès de spécialistes ou amateurs éclairés, ayant déjà bien pratiqué cette discipline ! Ici, nous avons la chance d’avoir un groupe de passionnés qui multiplient les chantiers chez les uns et les autres, pour parfaire leur technique et expérimenter différents mélanges. Ils nous ont été d’une aide précieuse de par leurs conseils, encouragements, prêt de matériel et retours d’expériences. Merci à eux ! Et particulièrement à Baptiste et Flo, deux super architectes ! Et merci aux amis qui nous ont aidé à trouver les matières premières, préparer les mélanges, et enduire les murs ! 😉